Petit guide des marmelades d’agrumes

J’ai déjà dit combien j’aimais les marmelades d’agrumes et les agrumes confits. C’est un peu à cause de mon obsession confiturière que j’ai décidé d’ouvrir un blog de cuisine.

J’adore préparer les confitures. Mais en fait je n’en mange pas beaucoup. Juste un peu le matin, sur les tartines. Le plus souvent, cependant, je préfère une bonne tartine de beurre salé. Ce n’est qu’à la 2e, voire à la 3e tartine que je mets de la confiture (si 3e tartine il y a… lorsque la journée s’annonce chargée !). Heureusement, J. aurait plutôt tendance à y aller à la louche, du coup nos stocks s’écoulent sans problème.

Lorsque j’étais à Dakar, j’ai tant fait de marmelades d’agrumes (il y avait beaucoup de pamplemousses dans les jardins des voisines…) que j’ai fini par aimer le rituel qui s’est installé autour de leur préparation : éplucher les fruits, retirer et couper la chair, récupérer le jus et les pépins, tailler très finement les zestes (pour ce faire je m’installais confortablement sur la grande table de la terrasse, avec ma planche à découper et une paire de ciseaux, bien plus facile à manipuler qu’un couteau je trouve).

Oui, c’est vrai, les marmelades d’agrumes sont un peu longues à préparer : il faut laisser mariner les fruits et la cuisson se fait en plusieurs étapes. Mais le résultat en vaut largement la peine. Quel délice, ce goût à la fois amer, doux, acide et sucré… Quel enchantement pour les yeux, ces écorces suspendues dans un sirop translucide…

Quand on se lance pour la première fois dans une marmelade d’agrumes, il est plus prudent de n’utiliser que très peu de fruits. Compte tenu de la quantité d’eau qu’on va y ajouter, avec 500g d’oranges à peine, on obtient 3 à 4 pots de marmelade. Si le résultat est conforme à vos espoirs, vous serez ravi d’en avoir non seulement pour votre consommation personnelle, mais pour offrir. Si c’est un peu moins bien que prévu… aïe, va falloir écouler le stock ! Donc avant de s’en mettre pour un placard entier, mieux vaut peaufiner son entraînement. D’ailleurs, même quand on est bien rodé, il est plus facile de travailler avec 1 kg de fruits maximum (ça vaut pour toutes les autres sortes de confitures). Surtout dans une cuisine de Parigote (moins de 4 m2 en général).

En matière de marmelade d’agrumes, il existe bien des “écoles” et des styles de préparation. Voici, en très gros, les options possibles.

 

Méthode 1. La méthode de Delia Smith, rendue célèbre par Scally (alias Pascale Weeks)

Principe : cuisson des fruits entiers pendant 3 heures, à l’eau ; taille des écorces, récupération de la pulpe, cuisson de cette pulpe avec 1/4 du liquide de cuisson initiale (vous suivez toujours ?). Décantation pendant une nuit de la pulpe ainsi cuite, récupération du jus obtenu et (surtout) de la (précieuse) pectine qui s’en est extrait (donc opération incontournable de pressage dans une étamine). On remet le tout dans le jus de cuisson initial (qu’il aura donc fallu garder depuis la veille), on ajoute le sucre (qu’on aura fait réchauffer au four pour qu’il fonde plus vite). On cuit à nouveau pendant 3 heures.

Avantage : so British !

Inconvénients : à mon avis, c’est fastidieux : il faut tailler les écorces ramollies par la cuisson, ce n’est pas très pratique ; trier les innombrables pépins est une vraie galère ; presser la pulpe pour recueillir la pectine, surveiller les 2×3 heures (!!) de cuisson parce que faut pas croire, même à tout petit feu, ça vire au sirop brûlé comme un rien…).

Même si ça ne caramélise pas, 3h de cuisson de sucre, cela garantit la mort de la couleur et du goût des fruits au profit d’un goût de sirop trop cuit.

Enfin, j’ai tenté 3 fois cette méthode et je n’ai jamais été convaincue. J’ai fini par abandonner cette méthode. Désolée pour Pascale et tous ceux qui sont fan de ce genre de recette, je ne partage pas leur enthousiasme.

La couleur de la marmelade façon Delia Smith est cognac foncé, mais elle n’est pas gelifiée pour autant… En fait c’est un sirop liquide agrémenté d’écorces.

Méthode 2. La confiture d’agrumes

Principe : on ébouillante les fruits entiers pendant quelques minutes puis on découpe la chair et les écorces. En général il faut rajouter du jus de fruits (l’agrume utilisé ou de la pomme). On cuit 20 minutes environ, avec le même poids de sucre, avec ou sans macération préalable. En fait, c’est une confiture, pas une marmelade. Certains la mixent en fin de cuisson.

Avantage : la couleur des fruits est préservée car la cuisson est brève.

Inconvénients : les écorces auront tendance à rester dures. Enfin, tout dépend du temps de blanchissage des fruits entiers, au début du processus. La plupart des recettes sous-estiment ce temps : 10 minutes chez Christine Ferber pour l’orange, par exemple, c’est très peu, les écorces vont durcir lorsqu’elles seront au contact du sucre. La confiture obtenue est assez compacte (peu de sirop) même quand on ajoute du jus de fruits. La consistance est plus agréable si on mixe les écorces au lieu de se fatiguer à la tailler en lanières. C’est ensuite une question de choix esthétique et de préférences individuelles. J’aime bien faire ce genre de recette lorsque je veux une texture plus épaisse et un goût plus marqué, moins sucré. Ce type de confiture convient assez bien dans des marinades ou comme accompagnement de plats salés, éventuellement dans des gâteaux (à la place des écorces d’orange confites…).

Cette méthode est plutôt indiquée pour les agrumes les plus doux et les plus juteux : clémentines à peau très fine qui ont peu d’amertume et beaucoup de pulpe et de jus, par exemple.

 

Méthode 3. Celle qu’on peut oublier…

Principe : macération des fruits entiers dans l’eau froide pendant 1 ou 2 jours, avec changement d’eau toutes les 12 heures. Passé ce temps, on égoutte, on taille en rondelles, on remet dans de l’eau, on ajoute le sucre, et on fait mariner encore 24h. Puis on cuit une vingtaine de minutes à feu vif.

Avantages : il doit y en avoir, je n’ai pas trouvé.

Inconvénients : il faut penser à changer l’eau, avoir de grandes bassines et un peu de place. Le découpage des fruits en rondelles, après trempage, n’est pas une sinécure, même avec un couteau très bien affûté : quand on arrive à la deuxième moitié du fruit, les tranches deviennent irrégulières et de plus en plus épaisses (risque sérieux de déraper et de se couper les doigts, car les écorces se sont ramollies au trempage). On obtient une marmelade avec de très gros et très longs morceaux d’écorces (car évidemment les tranches restent rarement entières à la cuisson). A moins d’être un pro de la découpe de rondelles, esthétiquement, ça n’apporte rien, et en plus, ce n’est pas du tout pratique à étaler sur les tartines (ou à mélanger au yaourt pour ceux qui n’aiment pas les tartines de confiote ;-).

J’ai testé sur des clémentines, ça marche à peu près mais ça reste trop fastidieux pour un résultat correct, sans plus. A éviter avec les agrumes à peau épaisse et à l’amertume très marquée.

 

Méthode 4 : the best one forever (selon mon goût, évidemment…)

Testée des dizaines de fois, avec des petites comme avec de grandes quantités de fruits, elle convient tout particulièrement aux agrumes de gros calibre, à peau épaisse et/ou amère : pamplemousses, oranges amères, oranges douces, oranges sanguines, citrons…

Principe : On fait cuire pulpe et écorces taillées en très fines lamelles dans de l’eau, à tout petit feu, à couvert. On laisse reposer, si possible, 12h dans le jus de cuisson. On ajoute alors le sucre et on cuit à feu vif pendant une vingtaine de minutes.

Avantages : simple, économique (quasiment aucune perte, donc rendement maximal), résultat esthétiquement et gustativement très chouette : couleur des fruits préservée, sirop translucide et abondant, zestes tendres, bon équilibre douceur /amertume et acide/sucré. En fonction de l’acidité et de l’amertume des fruits choisis, de l’épaisseur des écorces, il faut apprendre à moduler la quantité d’eau et de sucre et les temps de macération et de cuisson. C’est un peu empirique et surtout fonction des goûts de chacun.

Inconvénients : quelques essais sont nécessaires avant d’acquérir une bonne maîtrise de l’évaporation de l’eau et du point de gélification.

 

Quelques recettes de marmelades pour vous entraîner :

Marmelade de pamplemousses

Marmelade de pamplemousses et mandarines

Marmelade d’oranges amères

Marmelade d’oranges et mandarines à la cannelle

Marmelade de citrons bergamote

Marmelade de citrons jaunes

 

Autres recettes de conserves d’agrumes sur ce blog :

– Kumquats confits au sirop de combava

Confit d’écorces de mandarines au miel

Confiture de kumquats

Marmelade de clémentines

 

La marmelade du jour : aux oranges sanguines

Pour 3 à 4 pots moyens (type “Bonne Maman”) :

– 500 g d’oranges sanguines (choisissez des fruits à peau fine de préférence en magasin bio pour qu’ils ne soient pas traités)
– le jus de 2 citrons jaunes
– 1 litre d’eau de source
– 750 g de sucre blanc (on peut descendre à 700g si on aime les marmelades un peu acides)

1. Lavez soigneusement les oranges sous l’eau chaude. Séchez-les, ôtez le pédoncule. Entaillez-les et épluchez-les de façon à obtenir des quartiers d’écorce à peu près réguliers.

2. Coupez la chair en dés et les écorces en lanières d’environ 1 à 2 mm de large (c’est fastidieux mais plus joli que de tout passer au mixeur…). Récupérez les pépins s’il y en a et mettez-les dans un nouet. S’il n’y en a pas, ce n’est pas grave, il y a suffisamment de pectine dans l’écorce pour que la marmelade prenne.

3. Faites macérer la pulpe, les écorces, le nouet avec l’eau de source pendant 12 à 24 heures, à température ambiante.

4. Au bout de ce temps, versez le tout dans une large marmite à fond épais, portez à ébullition. Couvrez de façon à laisser juste un peu d’espace pour l’évaporation (le jus ne doit pas trop réduire) et faites frémir à feu très doux pendant 2 heures, sans écumer.

5. Retirez du feu, ajoutez le jus de citron et le sucre jusqu’à ce que ce dernier soit complètement dissous. Laisser à nouveau macérer 12 à 24 heures.

6. Au bout de ce temps, mettez la marmite sur feu vif et faites cuire la marmelade : comptez environ 20 minutes après reprise de l’ébullition. Les écorces vont devenir translucides. La température ne doit pas dépasser 105°C à 106°C. Vérifiez la nappe en faisant le test de l’assiette froide. Ecumez au besoin mais seulement en fin de cuisson.

7. Mettez en pots, fermez les couvercles et retournez les pots quelques minutes. Laisser refroidir.

Attendez 10 jours minimum avant de déguster ! La marmelade se conserve ensuite très longtemps, à l’abri de la lumière et dans un endroit frais (idéalement, une pièce non chauffée mais stable en température).  Au-delà d’un an, elle sera encore très bonne, mais sa couleur aura tendance à foncer du fait d’une progressive oxydation, surtout sur le dessus.

Dernière chose : la consistance du sirop paraît généralement très liquide au terme de la cuisson, ne vous y fiez pas. La marmelade va se gélifier en refroidissant. Si vous prolongez trop la cuisson, elle sera dure et sèche…

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