
On m’a interrogée récemment sur le sens de crueus(e), une alternative à cruel(le) en moyen français. Les deux formes figurent dans le refrain de la ballade II de Guillaume de Machaut, Helas, tant ay dolour et peinne : « trop cruel (crueus) seroit li cuers qui pitié n’en aroit ».
Dans la poésie courtoise, la dame est cruelle. Son cœur est cruel. A-t-elle le choix ? Si elle répond aux avances de l’homme qui la courtise, elle ne sera plus digne d’être aimée.
Quand c’est une femme qui prend la plume et se plaint de ne pas être aimée, accuse-t-elle son amant de cruauté ? Beaucoup plus rarement, voire pas du tout.
Christine de Pizan voit avec tristesse le cœur de son amant se dérober : « vo cueur d’amer recroit« . Elle énumère les preuves de son indifférence et conclut, mi-ironique, mi-résignée : « je perçois trop bien votre véritable nature, car l’œuvre fait l’éloge du maître ».
Mon bel ami, je voy trop bien
de vray, quel que le semblant soit,
que vostre cuer ne m’aime en rien ;
pou apercoit qui ne le voit.
Vous le dites quoy qu’il en soit,
mais c’est tout pour moy faire pestre,
car l’œuvre loe le maistre.
Il appert a vostre maintien
comment vo cuer d’amer recroit ;
car tout un moys, si com je tien,
de moy veoir ne vous chauldroit.
Que m’amissiez qui le croiroit ?
Certes, ce ne pourroit estre,
car l’œuvre loe le maistre.
Dont trop pour fole je me tien
– et aussi chascun m’i tendroit –
de vous amer ; car nesun bien
de ce venir ne me pourroit,
puis qu’en riens ne vous en seroit,
et j’aperçoy trop bien vostre estre,
car l’œuvre loe le maistre.
Dans d’autres poèmes, s’il est notoirement infidèle, l’amant est qualifié de déloyal, fourbe, parjure. Mais il n’est jamais cruel.
C’est la situation qui est cruelle, mais on accuse surtout Fortune. Encore une femme.
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A force de faire des cookies, ma fille est tombée amoureuse de la version crue : le « cookie dough ». C’est elle qui les fabrique. Je n’ose pas dire que c’est de la cuisine. Je ne les trouve pas jolies à voir, ces boulettes de pâte crue. Mais elles sont addictives, cela ne fait aucun doute.
Edible cookie dough d’après la recette d’Emma Chapman

- 1 tasse de farine T45
- ½ tasse de beurre doux
- ½ tasse de sucre roux
- ¼ de cc à sel
- extrait de vanille
- ½ tasse de pépites de chocolat (à partir de vraies tablettes de chocolat)
Préchauffez le four à 180° C, sans chaleur tournante (sinon la farine va voler partout). Etalez la farine sur une plaque et faites la chauffer 5 min jusqu’à ce qu’elle atteigne 80°. Mélangez le beurre mou, le sel, les sucres et la vanille à la main ou au robot. Ajoutez la farine puis les pépites de chocolat. Formez des boules de pâte, ou laissez la pâte telle quelle et dégustez-la à la cuiller.
Difficile de rater un telle « recette », à part si on oublie la farine dans le four.