Les mantecaos de l’éternelle (?!) jeunesse

Enfant, j’étais chétive. Le médecin avait prédit que je ne dépasserais pas le mètre 45. On me donnait 2 ou 3 ans de moins que mon âge. Alors que je m’apprêtais à rentrer en première S, un gentil voisin de résidence de vacances (qui avait exactement mon âge) m’avait demandé si j’étais en 5e ou en 4e !

Heureusement, la prophétie du médecin s’est révélée fausse : avec 20 centimètres de plus que prévu (et sans hormones de croissance) je suis tout à fait dans la moyenne. Et je fais tout pour ne plus ressembler à une petite fille.

1. J’ai coupé mes très longs cheveux (qui ne sont pas blonds contrairement à ce croit ma mère, pour qui j’ai toujours la couleur de mes 8 ans après un mois au soleil…).

2. J’ai arrêté de m’habiller en 14 ans Petit Bateau (sauf quelques tee-shirts). J’évite les vêtements rose pâle ou bleu layette (heureusement je n’ai jamais vraiment aimé le rose).

3. J’ai cessé depuis longtemps de dormir avec Noisette, mon écureuil en peluche.

4. Je ne suis pas du tout portée sur les nourritures régressives (sauf la crème de marrons), ni sur les accessoires girly.

5. Je suis incapable de mettre le nez dehors sans une touche de rouge à lèvres et un voile de poudre de soleil. J’en mets même pour rester chez moi.

6. J’ai le sourcil soigneusement épilé et le cheveu brushé (le meilleur moyen de me mettre de mauvais poil est de me priver de sèche-cheveux pendant plus de 36h).

7. Je trouve les bijoux, les vrais, les beaux, irrésistibles. Surtout les diamants. Au grand désespoir de J. (qu’il se rassure s’il passe par là, ce n’est pas un appel du pied pour la saint Valentin…)

8. J’ai un début de patte d’oie et quelques cheveux blancs.

9. A mon âge, les espoirs de maternité commencent tout doucement à diminuer.

10. Enfin, je sais être sèche et désagréable comme une vieille bibliothécaire (même sans chignon puisque j’ai les cheveux courts).

Malgré ça, les choses n’ont pas tellement changé. Aux yeux des autres, je reste une gamine qui vient d’entrer dans la vie.

Très jeune pour les collègues, qui me regardent avec la bienveillance qu’on a pour les gosses, pensant que je suis entrée dans la vie active il y a 2 ans, alors que ça fait exactement dix ans.

Trop jeune pour mes chefs. L’argument revient sans cesse. Je rêve d’un jour où je prendrai ma revanche. Sûr que ça viendra (avec l’âge !).

Jeune pour tous ceux que je croise au quotidien, qui m’appellent mademoiselle en présence de l’Homme, et me prennent régulièrement pour sa fille. Mon plus beau souvenir en la matière reste une soirée dans les salons de la Mairie de Paris, il y a quelques années, et la gigantesque gaffe de l’élu de l’époque, un certain Jean T. (pour ceux qui auraient un doute, ce n’est pas par conviction politique que je me suis retrouvée à la table du maire).

Comment leur en vouloir ? Chaque fois que je croise ma silhouette dans un miroir, pour peu que j’aie enfilé un jean et chaussé des Pataugas, j’ai l’impression de voir une ado de 16 ans : une planche au visage rond avec parfois quelques boutons d’acné (pas juvénile, dans mon cas, c’est fichu jusqu’à la ménopause). Si je grossis, j’ai seulement l’air d’une adolescente un peu encombrée de son corps, pas d’une vraie femme.

Pour gagner en poids social, quand je vais bosser ou quand j’ai rendez-vous avec un étudiant de Master 2, je m’habille un peu classe, je prends mon air supérieur (ça m’est très naturel) et je chausse l’une de mes plus belles bagouses.

Et puis j’ai remarqué que le fait de savoir cuisiner était une façon commode de trouver sa place dans le monde des adultes. Donc j’apporte régulièrement les meilleurs brownies du monde à mes collègues, et comme le chef est un véritable chocolatomane, je me fais une réputation d’enfer.

La dernière fois, pour changer des brownies, j’ai eu envie de faire connaître une spécialité bien à moi, ou plutôt, un grand classique familial : les mantecaos.

Mantecaos de ma famille pied-noir espagnole

Ce sont des petits sablés très fondants parfumés à la cannelle. Leur consistance, due à l’utilisation de saindoux, est unique. Ne fuyez pas : la graisse de porc ne sent ni le lard fumé, ni le saucisson.

Les mantecaos sont sans doute d’origine espagnole (manteca = saindoux). En Andalousie, on élide beaucoup de consonnes dans les mots, d’où le nom de mantecaos mis pour mantecados. Mais ces petites douceurs sont surtout connues des Pieds-noirs, en particulier des Oranais (beaucoup étaient d’origine ibérique), qui les appellent plutôt montecaos (à cause de l’accent de là-bas).

Au Maghreb la recette a été revue et corrigée, no porc oblige, la plupart du temps elle est faite à l’huile et malheureusement ce n’est pas du tout pareil, ni pour le goût, ni pour la consistance. Personnellement, je n’aime pas les gâteaux à l’huile. Ils sentent l’huile, et je déteste cela.

Si vous pensiez les faire au beurre ou à margarine, oubliez cette idée. La texture et le goût n’auront rien à voir non plus. Le saindoux donne un goût unique à ces gâteaux, il est indispensable. Mais pour une version sans porc, la graisse d’oie donne un résultat tout aussi bon. Pas la graisse de canard (trop typée côté goût).

Pour deux douzaines de mini mantecaos

230g de farine T55
10g de farine de blé dur
10g d’amandes en poudre
125g de saindoux ou de graisse d’oie
125g de sucre blanc en poudre
1 pincée de sel
cannelle en poudre et sucre glace pour la finition

1. Mélangez tous les ingrédients sauf la cannelle, en travaillant du bout des doigts, de façon à obtenir une texture sableuse.

2. Formez de petits boules de 10g environ que vous roulerez dans un mélange de sucre glace et de cannelle (à discrétion pour le dosage en cannelle).

3. Disposez sur une plaque à pâtisserie. Si vous êtes vraiment fan de cannelle, vous pouvez saupoudrer chaque boule d’une petite pincée de cannelle supplémentaire.

3. Enfournez à 150° C pour 10 à 15 minutes en fonction de la taille des boules. Surveillez très attentivement la cuisson. Tout se joue à ce moment-là. Les mantecaos ne doivent pas du tout colorer.

S’ils commencent à se fissurer ou à gonfler, c’est déjà qu’ils sont presque trop cuits.

S’ils blondissent et se fissurent largement, l’intérieur sera dur après refroidissant. Certains les aiment ainsi. A vous de voir. Je les préfère fondants à coeur. Et si je les fais de si petite taille, c’est parce qu’ils sont tellement sableux qu’ils explosent en miettes lorsque vous mordez dedans. Donc mieux vaut pouvoir mettre le mantecao entier dans la bouche…

P.S : vous trouverez du saindoux soit chez un charcutier, soit dans les grandes surfaces (non loin du beurre et des margarines, ou bien au rayon charcuterie). La graisse d’oie se trouve facilement en période de fêtes, parfois, plus difficilement selon la région dans laquelle vous vivez.

Ces gâteaux se gardent une dizaine de jours dans une boîte en fer, à l’abri de l’humidité. Mais vous aurez tout mangé bien avant, c’est sûr.

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