Du flamenco dans la marmite (ensaimadas mallorquinas)

21 juin 2008. La plus longue soirée de l’année a bien des inconvénients (plus de bruit que de ‘zique, hélas…)

A l’heure où j’écris, un groupe de heavy métal pousse des rugissements sauvages au pied de mon immeuble, je suis sûre qu’ils sont envoyés par mon tendre frérot, grand fan et fervent pratiquant de ce répertoire !

La plus longue soirée de l’année a tout de même un avantage : permettre aux éternelles débordées de mon espèce de trouver encore le temps de confectionner un p’tit billet et une p’tite recette pour le jeu lancé par Gracianne et Estèbe, “Du groove dans la marmite”.

– Du quoi ?

– Du groove. C’est un terme musical, tu devrais connaître ça, toi la spécialiste de musique.

– Non… pas vraiment…

P’tit coup d’œil dans le Robert & Collins. Groove : sillon. To groove = s’amuser, s’éclater.

Le groove pour les musiciens (de blues, principalement) est un moment un peu magique, un moment de grâce où la musique « décolle » rythmiquement.

Dixit Wiki-qui-sait-tout et où on peut écrire à peu près n’importe quelle bêtise, voire des canulars sortis de l’imagination facétieuse de quelques blogueurs (mais oui, vous vous souvenez tous de l’article sur le séva !)

J’aurais pu vous parler de la musique dont je suis spécialiste, celle du Moyen Âge. C’était l’occasion ou jamais, n’est-ce pas ? Mais j’ai eu des scrupules à vous infliger une leçon sans la moindre préparation psycho-pédagogique (oui je me mets à manier des concepts de ce genre, maintenant que je vais aller jouer au prof). Balancer une mélodie grégorienne sur la culinosphère, un soir de Fête de la musique, sans prévenir, ce n’est vraiment pas raisonnable. Personne n'(y) entendrait rien. Remarquez, ce qui suit vous paraîtra peut-être tout aussi étrange.

Dans la famille Kriskou, comme le nom slavisant ne l’indique pas, il y a une branche espagnole (ayant transité via l’Algérie) et qui vit en grande majorité, aujourd’hui, sur l’autre rive de la Méditerranée (et donc assez loin de Paris). Celle qui cuisine le couscous; la paëlla et lesmantecaos.

Celle à qui nous rendions visite régulièrement, puisqu’avec une mère prof, on pouvait se permettre de passer presque toutes les vacances là-bas, et particulier la période estivale. 

Chez les ibéro-kriskou, il y a toujours eu beaucoup de musique, beaucoup de guitare. Qui dit guitare espagnole dit flamenco.

En été, à l’heure de la sieste, réfugiés dans nos chambres, volets clos, fenêtres entrebaillées dans l’espoir d’un vague courant d’air, on entendait les mélodies flamencas que mon oncle jouait ou écoutait dans une pièce voisine. Cette musique faisait partie de la maison au même titre que les pépiement des canaris de Papy.

Je n’y prêtais guère plus d’attention que ça, en fait. Je ne l’ai jamais jouée, alors que j’aurais pu, étant guitariste (mais il faut dire que le poids de la tradition est fort, et qu’en flamenco les femmes dansent tandis que l’accompagnement à la guitare est réservé aux hommes).

Quoi qu’il en soit, pendant que je somnolais vaguement ou que je m’appliquais sur mon cahier de vacances, les rythmes et les mélodies des Soleares, Alegrías, Bulerías et autres Seguiriyas se gravaient dans ma mémoire, marquant mon oreille pour toujours.

Aujourd’hui, le flamenco m’est aussi naturel que si j’étais née à Grenade et que j’avais grandi dans une grande robe volantée à pois. Il m’émeut profondément, je me délecte de ses contours mélodiques si particuliers, j’aime ce chant rauque, ces danses qui peuvent sembler exagérément démonstratrices. 

Santiago Lucas Moll & Juan Morillo, Fandangos cortos

Une spécialité culinaire est intimement liée, dans ma mémoire gustative, au flamenco : ce sont les ensaimadas, ces sortes de petits pains briochés en forme d’escargot parfumés à la fleur d’oranger. Elles sont originaires de Majorque, mais on les déguste partout en Espagne.

Lorsque nous étions en vacances là-bas, à l’heure du goûter – à l’heure où les petits Espagnols se régalaient volontier d’un sandwich à la soubressade (une charcuterie originaire elle aussi des Baléares) – je réclamais une ensaimada, et mes parents étaient priés de se mettre illico en quête d’une boulangerie. 

Je ne prétends pas vous donner LA recette authentique des ensaimadas : de toute façon, entre les livres de cuisine, les sites web et les blogs, je n’ai pas rencontré deux recettes identiques. Les spécialités les plus typiques sont celles dont le secret est le mieux gardé… 

En principe, les ensaimadas se font avec du saindoux : le mot ensaimada vient d’ailleurs directement de là, saim désignant le saindoux. Cependant, beaucoup de gens préfèrent mettre de l’huile, de la margarine ou du beurre, ou un mélange de tout cela, comme dans la recette ci-dessous (vous verrez au passage que la quantité de gras est parfaitement compatible avec votre objectif bikini, mesdames). 

Les ensaimadas se présentent soit natures, soit fourrées (le plus souvent garnies de confiture de courge de Siam ou cabello de angel. Une douceur typiquement espagnole dont vous trouverez une recette ici.

Ensaimadas mallorquinas

 

Pour 8 à 10 ensaimadas :
Recette adaptée de celle d’Eryn, faite en MAP, mais qui peut se faire sans..

– 260 g de farine T45 (+ un peu pour le plan de travail)
– 50 g de maïzena
– 1 sachet de levure sèche de boulanger (soit la dose pour 250g de farine)
– 40 g de sucre
– 1 œuf
– 150 ml d’eau tiède
– 40 g de beurre très mou
– 1 cc rase de sel fin
– 4 cs d’huile de pépins de raisin
– du lait pour badigeonner (env. 5 cl) + sucre glace pour saupoudrer
– 1 cs d’eau de fleurs d’oranger

1. Dans la cuve de la MAP, verser l’eau tiède avec 1 cc de sucre et la levure. Refermer et laisser reposer 15 minutes. Ajouter alors l’œuf battu, le restant de sucre, le beurre fondu, la farine, la maïzena et le sel. Lancer le programme pâte (pétrissage + 1re levée : env. 1h20).

On peut réaliser cette étape à la main, naturellement : dans un bol, verser l’eau tiède avec 1 càc de sucre et la levure, laisser reposer 15 min et y ajouter l’œuf battu, le restant de sucre, le beurre fondu, la farine, la maïzena et le sel. Pétrir longuement avant de procéder à la première levée dans un endroit chaud pendant 1H ; si la pâte colle trop, on peut ajouter un peu de farine. Mais pas trop, il faut que la pâte reste souple et légèrement collante.

2. Rabattre la pâte collante sur un plan de travail fariné. Façonner des boules de 50 g à 70 g chacune. Les aplatir à la main une par une en leur donnant une forme de long rectangle. Les badigeonner d’huile au pinceau. Puis, avec la paume des mains, les rouler en fins boudins. Enrouler chaque boudin sur lui-même afin de lui donner une forme de spirale.

3. Placer les spirales sur une plaque de four recouverte de papier sulfurisé légèrement graissé et procéder à la 2e levée dans un endroit tiède pendant environ 40 minutes. Les badigeonner de lait, les enfourner dans un four préchauffé à 190°C pendant 5 minutes. Les sortir du four, les badigeonner de lait de nouveau bien largement et poursuivre la cuisson 10 minutes (pas plus, les ensaimadas doivent être très peu colorées sinon elles seront sèches).

4. Laisser tiédir puis saupoudrer largement de sucre glace tamisé. Déguster tiède ou froid, sans trop attendre, comme beaucoup de viennoiseries, ça ne s’améliore pas avec le temps…

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